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Proposition de loi Régime juridique des actions de groupe (Discussion générale)

Publié le 
4.6.2024
 - Mis à jour le 
4.6.2024

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’action de groupe n’est pas une nouveauté.

Voilà bientôt dix ans qu’elle est entrée dans notre droit, et avec elle l’ambition de faire de chaque citoyen un procureur privé.

Pour autant, elle n’est pas devenue un réflexe naturel en France, puisqu’il n’y a eu que trente-cinq procédures de ce type qui ont prospéré depuis 2014 – Mme Jourda vient de le rappeler. C’est peu !

Cette réticence s’explique d’abord par le fait que cette action – il faut bien le reconnaître – ne s’inscrit pas dans notre tradition juridique : en France, l’intérêt général est défendu par l’action publique, par le procureur, par l’État, et non par des actions privées.

Ensuite, l’exemple du système américain a fait craindre, chez nous, la multiplication de procédures dilatoires hostiles, mettant à mal les entreprises.

Tout cela est vrai.

Pourtant, l’action de groupe à la française, telle que nous la concevons, a du sens. Elle représente la création réussie d’un équilibre entre l’accès des justiciables à la justice, d’une part, et la protection des défendeurs contre les actions malveillantes, d’autre part.

Elle est utile, indispensable, même, dans ce que l’on appelle les contentieux de masse. Des individus isolés, qui n’ont que de faibles demandes, n’obtiendraient pas justice si l’action de groupe n’existait pas. Ils renonceraient à saisir le juge, parce que le coût de la procédure serait disproportionné. Le regroupement des actions permet de mutualiser la défense des intérêts, mais également d’économiser les moyens de la justice.

Au départ circonscrit aux droits de la concurrence et de la consommation, le champ d’application de cette procédure a été progressivement étendu à d’autres domaines, le droit du travail, les données personnelles. Malheureusement, l’action de groupe, régime juridique en constante évolution, a perdu sa cohérence ; il était temps de la lui rendre.

Ainsi la proposition de loi que nous examinons vise-t-elle notamment à rassembler les différents régimes de l’action de groupe, actuellement disséminés au sein de notre droit. C’est une bonne chose et il fallait en passer par là.

Pour autant, la commission a fait le choix de s’opposer à l’universalisation du dispositif en limitant son champ d’application et en restreignant la qualité pour agir à certaines catégories de demandeurs. Si nous comprenons le besoin de sécurisation juridique, une telle limitation réduit l’efficacité de cet outil. Le nombre d’actions de groupe dans notre pays est relativement faible ; nous n’aurions rien eu à craindre à ouvrir plus largement l’accès à cette procédure. Nous estimons, en d’autres termes, que le législateur aurait pu aller plus loin.

Une action de groupe plus accessible constitue pour nos concitoyens un véritable moyen de mieux faire valoir leurs droits.

Le texte de la commission apporte un certain nombre d’améliorations et des garde-fous sont prévus. Je pense à l’exclusion des préjudices corporels du champ d’application de l’action de groupe, afin que, dans de tels cas, la réparation demeure individualisée, ou à la suppression de l’amende civile, sur laquelle je ne reviens pas : tout cela va dans le bon sens.

Afin de faciliter le recours à l’action de groupe, notre collègue Francis Szpiner propose de l’encadrer plus clairement en autorisant les sociétés de financement à intervenir dans cette procédure. Il y aurait là une garantie contre les actions abusives ; c’est une bonne idée.

Au total, nous sommes en train d’inventer un nouveau régime, propre à notre ordre juridique, de l’action de groupe. Ce nouveau régime représente une véritable innovation et un progrès du droit.

Loin d’encourager les actions abusives, nous veillons à ouvrir la possibilité d’engager une action de groupe dans les domaines où ce droit est indispensable. Bien que technique, cette proposition de loi traite d’un sujet fondamental pour l’évolution de notre société. Les améliorations qu’elle apporte nous paraissent décisives. Aussi le groupe Les Indépendants votera-t-il en faveur de son adoption.

Portrait de Louis Vogel, sénateur Seine-et-Marne

Louis Vogel, sénateur de Seine-et-Marne

  • Professeur des universités et juriste
  • Vice-président de la commission des affaires européennes
  • Membre de la commission des lois
  • Membre du groupe Les Indépendants - République et Territoires
  • Juge à la Cour de Justice de la République
Département Seine-et-Marne

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