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Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 2025

Publié le 
18.7.2025
 - Mis à jour le 
18.7.2025

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le soutien à l’industrie européenne de la défense est devenu un axe majeur de l’action de l’Union. En mars dernier, la Commission a dévoilé le livre blanc sur la défense européenne. Pour mieux préparer l’Europe aux scénarios les plus pessimistes, il est préconisé d’améliorer la mobilité militaire, de constituer des stocks et de renforcer nos frontières extérieures.

En effet, il est temps de construire la fameuse Europe puissance dont on parle si souvent, mais que l’on ne voit toujours pas venir, tant sur les volets militaires et économiques que sur la compétitivité. Mes questions seront principalement orientées sur les applications concrètes de ce plan, notamment dans le domaine financier.

Premièrement, le programme ReArm Europe, renommé depuis Readiness 2030, vise à mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros pour la défense. Parmi les préconisations pour atteindre cet objectif figure une dérogation au pacte de stabilité et de croissance, autorisant les États membres à dépenser davantage pour la défense sans être visés par la procédure de déficit excessif.

Rappelons-le, dans le cadre de notre loi de programmation militaire (LPM), la France dépense aujourd’hui l’équivalent de 1,7 % de son PIB dans le domaine militaire. Ces dépenses doivent atteindre 2 % entre 2025 et 2027, et l’augmentation doit se poursuivre à un rythme de 3,5 milliards d’euros par an en 2028, 2029 et 2030.

L’annonce de la dérogation européenne nous conduit à poser une question simple. Monsieur le ministre, s’agit-il d’exclure de la règle des 3 % de déficit l’ensemble des dépenses militaires dans la limite des 1,5 % prévus par le programme européen ?

Deuxièmement, la Commission européenne propose de donner aux États une facilité de prêt pour les dépenses de défense, garantie par le budget européen jusqu’à 150 milliards d’euros, qui deviendra l’instrument Safe. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les contours de cette opération un peu obscure, sachant que la proposition d’émission d’eurobonds semble avoir été écartée ?

Troisièmement, n’est-il pas temps d’aborder la question des fonds non consommés ? Je pense notamment aux prêts accordés aux États dans le cadre du plan de relance Next Generation EU de 800 milliards d’euros.

Quatrièmement, ces efforts ne devraient-ils pas s’accompagner d’une mobilisation de capitaux privés ? Ne faudrait-il pas accélérer l’union de l’épargne et de l’investissement, c’est-à-dire approfondir l’union bancaire et financière, en ayant recours à la Banque européenne d’investissement ? En effet, nous n’atteindrons pas cet objectif uniquement avec des fonds publics.

Un tel engagement pourrait notamment bénéficier à l’effort militaire, au réarmement scientifique, à une véritable industrie de défense européenne. L’Europe de la défense n’ira pas sans de grands investissements dans la recherche.

Cinquièmement, les rapports publiés par Mario Draghi et Enrico Letta en 2024 ont mis en évidence de profonds écueils structurels liés à l’économie européenne, aujourd’hui asphyxiée par des règles trop nombreuses et trop complexes. Aux termes du rapport Letta, l’un de ces écueils est le manque d’aboutissement du marché unique. La diversité des réglementations est un obstacle fondamental à la liberté de circulation des marchandises et des capitaux.

Je ne prendrai qu’un exemple, en matière d’innovation. Sur les cinquante leaders mondiaux des nouvelles technologies, seuls quatre sont européens. Cela ne rend absolument pas compte de la puissance européenne en matière économique.

Face à cela, la Commission a présenté en 2025 un programme appelé « boussole pour la compétitivité ». Ainsi que le président Rapin l’a évoqué, la simplification des normes est un axe prioritaire de ce programme. C’est le sens des fameux paquets Omnibus, qui visent à revenir sur des réglementations trop complexes, trop nombreuses, et à simplifier les règles auxquelles les entreprises sont soumises.

Dans cette perspective, il faut saluer la récente présentation du cinquième paquet Omnibus, précisément consacré à la défense. Toutefois, les choses demeurent complexes et les strates s’accumulent : ce paquet fait la jonction entre la « boussole pour la compétitivité » et le livre blanc de la défense européenne.

L’enjeu est clair : il faut accélérer les investissements et la production dans le domaine de la défense pour réarmer l’Union face à tous les enjeux sécuritaires dont il a été question.

Monsieur le ministre, on n’y voit pas très clair : quelles sont les perspectives envisagées à ce stade pour déployer l’ensemble de ces mesures indispensables ? Quelle sera la position de la France sur ce sujet lors de la prochaine réunion du Conseil européen ?

Portrait de Louis Vogel, sénateur Seine-et-Marne

Louis Vogel, sénateur de Seine-et-Marne

  • Professeur des universités et juriste
  • Vice-président de la commission des affaires européennes
  • Membre de la commission des lois
  • Membre du groupe Les Indépendants - République et Territoires
  • Juge à la Cour de Justice de la République
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