Proposition de loi Mandat d'élu local (Discussion générale)
Discussion générale
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2020, il y a eu 2 189 départs volontaires de maires, soit plus d'une démission par jour depuis le début du mandat municipal. Fait nouveau, 53 % des démissionnaires étaient des maires élus en 2020.
Selon les sondages, les violences subies, pourtant réelles et préoccupantes, ne sont pas la cause majoritaire de ces démissions. Les véritables causes sont simples : le poids de la fonction ; la technicité de la fonction, à laquelle les maires ne sont pas préparés ; le manque de moyens, à la fois humains et matériels.
Ce constat alarmant appelle d'urgence un soutien renforcé. Le statut de l'élu local constitue une réponse de bon sens, une réponse concrète, et pas simplement de principe, pour enrayer une telle érosion. Madame la ministre, j'ai plaisir à le souligner : vous aviez déposé la présente proposition de loi dans sa version sénatoriale, et nous avons été très nombreux à la cosigner.
Ce texte part d'un constat simple : alors que la professionnalisation de la fonction d'élu progresse, les droits et garanties attachés à cette fonction ne suivent pas. Il vient compléter les avancées issues d'autres lois, notamment la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite loi Engagement et Proximité, et la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Espérons qu'il y ait là le même consensus avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Cette proposition de loi ne réglera pas tous les problèmes – il ne faut pas se bercer d'illusions –, mais c'est une avancée attendue. Mes collègues ont déjà mentionné l'ouverture de nouveaux droits sociaux, la création du label « Employeur partenaire de la démocratie locale », la validation des acquis de l'expérience. La commission des lois – je salue le travail de nos rapporteurs, Jacqueline Eustache-Brinio, Anne-Sophie Patru et Éric Kerrouche – a présenté un rapport équilibré qui permet la discussion.
J'aimerais évoquer la rémunération : si le principe de fixation par défaut des indemnités de fonction au maximum légal pour tous les conseillers municipaux ne fait pas débat pour les maires et responsables d'exécutifs locaux, il demeure discuté, notamment par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), pour sa généralisation aux adjoints et aux conseillers municipaux. Les différents amendements déposés à l'article 2 permettront de dégager une ligne claire.
J'en viens au risque pénal, pour me réjouir des précisions qui ont été apportées s'agissant du délit de prise illégale d'intérêts. L'infraction requerra désormais une appréciation concrète par le juge pénal de l'intérêt en cause. Cet intérêt devra être « suffisant » pour peser ou paraître peser sur l'impartialité du décideur.
Mais, nous le savons, malgré un rapport de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en 2020, malgré la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire, la Cour de cassation a maintenu une jurisprudence constante en matière de conflit et de prise illégale d'intérêts : une jurisprudence très défavorable, à laquelle il faut mettre un terme.
À ce titre, je soumettrai à votre vote un amendement tendant à clarifier la question de l'intentionnalité pour plus de protection des élus.
Dans la même logique de protection, et afin de faire face à la montée des menaces et des outrages, l'octroi de la protection fonctionnelle deviendra automatique pour tous les élus victimes de violences. Là encore, il faut qu'il en soit de même en cas de poursuites pénales pour des faits rattachables au service.
Je n'ignore pas les questions budgétaires. Certaines mesures ont un coût. Nous devrons poursuivre notre travail, notamment lors des discussions du projet de loi de finances, qui nous donneront donc l'occasion d'aborder le sujet des missions exercées par les maires en tant qu'agents de l'État, des transferts de compétences ou de l'assiette de certaines dotations. De même, le nouvel acte de décentralisation qui va être engagé doit nous permettre de discuter de l'ensemble de ces questions.
À quelques mois des élections municipales, il faut prendre au sérieux l'augmentation importante des démissions, qui sont en réalité autant d'appels à l'aide de la part des élus locaux. Il revient au premier chef au Sénat, la chambre des territoires, d'y répondre.
En adoptant la présente proposition de loi, nous enverrons un message clair – un message de la République, mais venant du Sénat – à ces territoires pour donner à nos élus les moyens de remplir leur rôle.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc à l'unanimité en faveur de l'adoption de ce texte.
Discussion des articles
Hier, lors de mon intervention liminaire, je citais le nombre très élevé de démissions de maire, qui constitue à mon sens un appel à l'aide, une interpellation du législateur.
En adoptant ce statut, nous apportons une première réponse à cette interpellation. Nous faisons œuvre utile et – je le crois – conforme à ce qui est attendu de nous dans les territoires, mes chers collègues. De nombreux élus nous ont en effet demandé d'instaurer ce statut, qu'ils attendaient et espéraient avant les prochaines élections municipales.
Permettez-moi de vous féliciter du travail accompli, madame la ministre. Depuis votre place privilégiée, vous avez su parler au Sénat.
Je remercie également la présidente de la commission des lois et les rapporteurs, qui ont eu la tâche difficile de trouver un chemin, comme on le dit aujourd'hui, en dépit de demandes tout à fait contradictoires. Or nous y sommes parvenus, comme nous savons le faire au Sénat.
Au nom du groupe Les Indépendants, je vous en remercie, mes chers collègues.



