Le Sénat adopte une réforme des modalités de vote des personnes détenues
Une proposition de loi modifiant les modalités du droit de vote des personnes détenues a été adoptée, le 20 mars dernier, par le Sénat, avec l'objectif de la faire adopter définitivement avant les élections municipales de mars 2026. Elle permettrait de répondre à des difficultés concrètes rencontrées dans certaines communes.
Louis Vogel était le rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois.
➡️ Vidéo de l’intervention en discussion générale :
Explications. Les détenus, comme l’ensemble de nos concitoyens, ont la possibilité de participer à la vie démocratique, sous réserve qu’ils n’aient pas été privés de leurs droits civiques, au travers d’un vote exprimé par correspondance depuis une réforme en date de 2019.
Très concrètement, pour voter par correspondance, ceux-ci doivent demander à être inscrits sur la liste électorale de la commune chef-lieu du département ou de la collectivité d’implantation de l’établissement pénitentiaire. Ils sont alors affectés dans un bureau de vote correspondant le plus proche du lieu de détention.
Le saviez-vous ? Le Conseil d’Etat en 2019 relevait que, dans au moins six communes chef-lieu, le nombre d’électeurs susceptibles d’être inscrits au titre du nouveau dispositif représentera plus de 5 % du nombre total d’électeurs inscrits. Dans plusieurs autres communes, dont Alençon, Bordeaux, Pontoise et Bobigny, c’est plus de 2 %.
Le fait d’inscrire des centaines de détenus sur une seule commune, fût-elle chef-lieu de département, alors qu’ils n’ont en réalité aucun lien avec cette commune, pose une difficulté qui n’a pas été anticipée par le législateur il y a 6 ans. Exemple le plus frappant : celui d’Évry-Courcouronnes. Les détenus de la prison de Fleury-Mérogis susceptibles de voter sont au nombre de 1 300, ce qui représente… 9 % des votants de la commune Évry-Courcouronnes aux législatives de 2024, par exemple. Ces votes sont donc susceptibles de faire basculer le résultat d’une élection locale, alors qu’il s’agit d’électeurs sans lien avec la commune.
L’enjeu : la commission des lois, sous l’impulsion de Louis Vogel, a donc souhaité répondre aux impératifs de maintien de l’expression démocratique des détenus, du principe d’équité pour les communes, d’expression locale du vote et d’équilibre en matière d’organisation, en proposant de distinguer les élections locales et nationales et d’instaurer deux systèmes différents. Or, cette situation s’expose à des recours et des complications tant pour les prochaines municipales que pour les élections locales dans leur ensemble, dans lesquels les niveaux de participation peuvent être faibles et les écarts étroits. La commission des lois a estimé qu’il en est de même pour les élections législatives.
Ce que change le texte : pour les élections à circonscription unique (élection présidentielle, élections européennes et référendums), le système de vote par correspondance est maintenu, puisque les voix sont comptabilisées à l’échelle nationale. Dans ce cas, le fait de centraliser les votes des détenus dans la commune chef-lieu du département où ils sont écroués ne pose pas de problème.
Pour les élections locales, en revanche, la commission des lois a admis l’idée de supprimer ce système, ce qui ne laissera plus aux détenus que le choix de l’autorisation de sortie ou du vote par procuration. Le texte adopté propose donc l’instauration du système hybride : procuration ou autorisation de sortie pour les élections locales, et vote par correspondance dans la commune chef-lieu du département pour les élections nationales.
La suite : le texte devrait être à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avant l’été pour une application dès les prochaines élections municipales de 2026.